Projet de loi 89 : une réponse aux « besoins de la population » en cas de grève ou de lock-out
Le projet de loi 89 (« PL 89 »), intitulé « Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out », a été présenté à l’Assemblée nationale du Québec par le ministre du Travail, le 19 février dernier.
Le PL 89 modifie notamment le Code du travail afin de considérer davantage les besoins de la population en cas de conflits de travail. Celui-ci introduit diverses dispositions visant à maintenir certains services minimaux nécessaires pour éviter que la sécurité sociale, économique ou environnementale ne soit affectée de manière disproportionnée, et ainsi offrir une protection accrue à la population en cas de grève ou de lock-out.
À cet égard, les nouvelles dispositions proposent d’introduire deux nouveaux outils d’intervention permettant d’atteindre ces objectifs. Le premier permet d’établir une nouvelle catégorie de services à protéger, à savoir les « services assurant le bien-être de la population », et d’imposer aux parties impliquées dans le conflit de travail l’obligation de garantir le maintien de ces services. Le second confère au ministre le pouvoir, sous certaines conditions, de déférer le différend à un arbitre.
Maintien des services assurant le bien-être de la population
D’emblée, le droit de grève n’est pas sans limites. En effet, le Code du travail prévoit que le droit de grève peut être restreint lorsqu’il est susceptible de mettre en danger la santé ou la sécurité publique. Dans une telle situation, le Tribunal a le pouvoir d’ordonner le maintien de ces services dits « essentiels ». En revanche, la cessation concertée du travail dans certains secteurs offrant des services cruciaux à la population ne satisfait pas toujours aux critères justifiant l’application des mesures de maintien des services essentiels.
C’est dans cette optique que le PL 89 introduit de nouvelles dispositions visant le maintien des « services assurant le bien-être de la population », lesquels sont définis au projet de loi comme les « services minimalement requis pour éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité ».
À ce propos, le PL 89 permet au gouvernement, par décret, de désigner une association accréditée et un employeur à l’égard desquels le Tribunal administratif du travail pourra déterminer si certains services doivent être maintenus en cas de grève ou de lock-out. Le Tribunal pourra notamment ordonner le maintien de services assurant le bien-être de la population à la demande de l’association accréditée ou de l’employeur visé par le décret en question.
Pouvoir d’intervention du ministre
Les nouvelles dispositions permettraient également au ministre du Travail, notamment s’il estime qu’une grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population, de déférer le différend à un arbitre afin que ce dernier détermine les conditions de travail des salariés compris dans l’unité de négociation en grève ou en lock-out. Ce pouvoir ne pourra cependant être exercé que si l’intervention préalable d’un conciliateur ou d’un médiateur s’est révélée infructueuse. Pour exercer ce pouvoir spécial, le ministre du Travail devra informer les parties de son intention de soumettre le différend à l’arbitrage. À compter de l’avis transmis par le ministre, la grève ou le lock-out cessera et les conditions de travail des salariés visés devront être maintenues.
Soulignons que ces dernières dispositions ne s’appliqueraient pas aux relations du travail dans les secteurs public et parapublic.
Conclusions
Le dépôt du PL 89, en plus d’entraîner plusieurs interrogations, a déjà suscité de vives réactions.
S’il est adopté tel qu’actuellement libellé, il bouleversera assurément les stratégies de négociation pour les employeurs et syndicats visés. En effet, chaque partie pourrait se voir privée d’un levier important de négociation, soit la grève ou le lock-out, et se faire imposer des conditions de travail.
Notre équipe surveillera attentivement l’évolution de ce projet de loi tout au long des travaux parlementaires et des différentes étapes à venir.